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21 décembre 2009 1 21 /12 /décembre /2009 13:26

200 000 salariés chaque année devant les prud’hommes

dimanche 20 décembre 2009 par Gérard Filoche

Sans remplacer l’absence d’organisation syndicale, les prud’hommes sont le seul rempart contre l’arbitraire et la délinquance patronale. Ses jugements sont incontestés dans 80 % des cas, et ont un réel caractère dissuasif. Il suffit d’entendre Laurence Parisot affirmer qu’ils « insécurisent les employeurs » pour en comprendre l’importance et les raisons pour lesquelles patronat et droite veulent les supprimer. Surtout après que 5 millions de travailleurs aient voté le 3 décembre 2009 et placé en tête la CGT avec 34 % des voix tandis que le Medef ne recevait qu’un score groupusculaire. Déjà la droite sarkozyste (Rachida Dati) a supprimé 62 conseils sur 271, imposant à des dizaines de milliers de salariés des frais supplémentaires et des pertes de temps pour saisir un conseil éloigné de leur domicile et déjà surchargé de dossiers.

Aujourd’hui ils persistent à rogner l’efficacité des prud’hommes. Ils ont pris soin préalablement dans le Code du travail recodifié entre 2005 et 2008, de remplacer les lois réglementant les prud’hommes par des décrets, sans passer par le Parlement.

Un décret a imposé un temps limité aux conseillers pour étudier et rédiger un jugement alors que le droit du travail a été recodifié de façon complexe. Bockel et Alliot-Marie veulent remplacer la « conciliation » qui est gratuite et plus rapide, par une « procédure participative » préalable qui serait obligatoirement menée avec des avocats, donc payante. Alors que la procédure est orale, sans formalisme, et se déroule en présence des partis elles mêmes, un décret prévoit une procédure écrite, avec des échanges de conclusions préalables ce qui rendrait obligatoire l’avocat même pour des petits litiges… Cela dissuaderait un grand nombre de salariés de recourir à ce tribunal composé d’employeurs et de salariés syndicalistes, garantie fondamentale du respect des droits et des libertés au travail.

Il faut, au contraire, élargir les pouvoirs des conseils qui devraient pouvoir réintégrer un salarié victime d’un licenciement abusif, jouer un rôle préventif et suspendre les sanctions contre le salarié jusqu’à jugement définitif. Il faut, au contraire réduire les délais de procédure, actuellement de 14 mois en premier jugement. Le « départage » par un juge professionnel de plus en plus provoqué par les blocages du Medef peut prendre jusqu’à deux ans alors que la loi prévoit un délai d’un mois !

La rédaction et la notification des jugements sont souvent retardées par l’insuffisance des moyens mis à disposition des conseillers et des greffes. 60% des jugements sont déférés à la cour d’appel (délai supplémentaire pouvant atteindre 15 à 24 mois), le plus souvent par des employeurs pour qui « le temps travaille » et dont les frais sont pris en charge par l’entreprise. La Cgt propose une pétition pour entraver les projets de destruction de ce qui reste une très belle justice.

Darcos a entrepris de casser les prochaines élections prud’hommales de 2013

Par lettre de mission, datée du 28 octobre, le ministre du travail Darcos poursuit l’un des objectifs du Medef : casser les élections prud’hommales qui ont lieu tous les cinq ans. Il mandate pour cela un certain Jacky Richard, conseiller d’état et lui demande explicitement une « réflexion sur le mode désignation des juges prud’hommes ».

Pour bien préparer le terrain, Darcos ment en peignant en noir les actuelles élections. Il souligne que le dernier scrutin du 3 décembre 2008 n’a bénéficié que d’un taux de participation de 25,5 % et il prétend que pourtant tout a été fait pour améliorer la participation : 1. implantation de bureaux de vote dans les entreprises, 2. expérimentation du vote électronique à Paris, 3. simplifications des modalités de vote par correspondance, 4. campagne de communication significative, 5. dépense globale de 95 millions d’euros.

Rien de tout cela n’est vrai : la composition des listes est toujours largement incomplète et les erreurs d’adresses et d’envoi d’informations sont considérables, les bureaux de vote restent mal implantés, mal connus et ce ne sont pas les votes électroniques ou par correspondance qu’il faut faciliter, mais l’information des électeurs eux-mêmes de leur droit et de leur intérêt à voter. Qui sait que tout salarié peut voter, même un jeune de moins de 18 ans ? Les jeunes ne le savent pas, on ne leur dit pas dans les écoles où ils sont pourtant en alternance. Qui sait qu’un chômeur peut voter ? On ne les informe pas comme il faudrait et c’est un gymkhana pour s’inscrire quand on est au Pôle emploi. Qui sait qu’un immigré peut voter ? En effet, il suffit qu’il ait un contrat de travail pour aller élire les juges de la république ! Dans ce pays où l’on discute encore du droit de vote des immigrés aux élections locales, ce n’est pourtant pas rien : mais aucune information ne leur est faite. Qui sait qu’un salarié peut quitter son entreprise, aller voter et ne pas perdre de salaire pour cela ? En tout cas, pas les patrons d’un million de petites entreprises de moins de dix salariés qui ne facilitent pas le vote, c’est le moins qu’on puisse dire : lorsqu’un inspecteur du travail fait sa permanence ce jour-là, il reçoit de nombreux appels du genre « Allo, mon patron ne veut pas me laisser sortir pour aller voter, il dit qu’il me retient la demi-journée si je fais cela ». Enfin les spots télévisés sont rares, tardifs, indigents, tristes et non explicatifs.

Aucun grand média n’explique aux 17 millions de salariés concernés ce que sont les prud’hommes, à quoi ils servent et peuvent leur servir. Il n’y a eu aucun débat télévisé sur aucune chaîne de service public entre les syndicats de façon à ce qu’ils présentent leur programme, leurs orientations et candidats.

A la fin, on rencontre des millions de salariés qui ne SAVENT PAS ce que sont les prud’hommes. C’est donc un miracle s’il y a eu quand même 4,5 millions de votants !

Ainsi, ils étouffent l’intérêt des électeurs, ce qui hausse le nombre des abstentions et il ne reste plus, ensuite, comme dans une République bananière qu’à supprimer l’élection elle-même. Il suffit aussi de s’appuyer sur quelques syndicats qui perdent dans ces élections, les seules qui indiquent encore une représentativité nationale, et le tour est joué.

Ils avaient déjà ainsi supprimé les élections aux Caisses de sécurité sociale, avant tout simplement d’ôter aux syndicats la gestion pourtant légitime de ce qui est le salaire mutualisé des travailleurs ! Une fois qu’ils auront supprimé l’élection des prud’hommes ce sera plus facile de supprimer l’institution elle-même : rêve de Medef!
Au lieu de cela, luttons pour que, une fois tous les 5 ans, le jour de vote soit férié, et que ce soit l’occasion d’une campagne éducative, participative, massive, sur les syndicats et les droits sociaux en jeu, un vote groupé pour les prud’hommes, les caisses de protection sociale, la représentativité nationale des syndicats !


Gérard Filoche

 

(publié par Démocratie & Socialisme http://www.democratie-socialisme.org/spip.php?article2026)

 

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