par Nicolas LIEBAULT
1) Le contexte national et régional
Depuis 2004 avec la Tarification à l’activité (T2A), les sommes allouées sont fixées au niveau national à travers un codage des soins, ce qui implique une homogénéisation des tarifs dans les différentes disciplines et les différents territoires. Ceci peut paraître positif, allant vers plus de justice. Mais cette tarification est mise en place dans un contexte de baisse des dotations suivant un plafonnement des ressources fixé au niveau national à travers l’ONDAM voté par le Parlement chaque année.
Le résultat est que les ressources sont alors transférés des hôpitaux dotés vers les moins dotés (« plan de convergence »). Or, l’Assistance publique - hôpitaux de Paris (APHP) possède initialement des ressources importantes puisque son budget représente 10% du budget des hôpitaux français (2009 : 6,5 milliards d’euros). La conséquence de la T2A et de la baisse des dotations est alors une diminution des moyens et l’abandon des activités non rentables, avec à la clé un risque d’actes abusifs, la sélection des patients en fonction des coûts et une moindre incitation à la prévention.
Pourquoi l’APHP est-elle mieux dotée que les autres hôpitaux ? Parce les hôpitaux parisiens ont développé au fil des années des missions plus importantes qu’ailleurs, étant particulièrement en pointe dans le domaine de la recherche médicale et des équipements (cardiologie d’excellence à La Salpétrière, prix Nobel de médecine à Saint-Louis, etc…) mais aussi avec une couverture des urgences plus importantes qu’ailleurs 24h/24 et gratuites (Cochin).
L’APHP dans son ensemble a prévu une économie de 300 millions euros d’ici 2012. Les rémunérations des personnels hospitaliers de l’APHP correspondant à environ 65% des dépenses, cette volonté de baisser la dépense globale s’exprime alors dans celle de réduire le personnel de manière drastique. Est ainsi mise en œuvre une diminution de 4000 emplois à l’APHP, sachant qu’en 2000 l’ouverture de l’Hôpital européen Georges Pompidou (15ème) avait déjà donné lieu à une perte d’emplois de 2000 personnes. Avec une telle diminution, la conséquence est alors très souvent l’obligation de fermer des services et des établissements entiers, avec bien sûr des conséquences sur l’offre de soins mais aussi, au-delà de l’hôpital, sur l’industrie pharmaceutique, sur le commerce de proximité, etc…
Le corps médical se mobilise de façon presque unanime contre cette baisse du personnel soignant et des services rendus. L’optique n’est pas de défendre son propre service mais d’assurer un droit à l’accès à la santé ce qui implique de défendre à la fois la proximité des hôpitaux et le haut niveau de soins.
Cette politique de diminution des services se double d’une réorganisation des instances de décision. Avec la loi Bachelot, les Agences régionales d’hospitalisation (ARH) ont été transformées en Agence régionale de santé (ARS). Il ne s’agit pas seulement d’un changement de sigle : l’ARH est un organe consultatif, l’APHP négociant jusqu’à présent directement ses moyens avec le ministère. Désormais, l’ARS, présidé en Ile-de-France par Claude Evin, est l’échelon qui répartit les financements et décide des autorisations pour toute création / regroupement d’établissements.
Or, tandis que l’APHP était de manière dérogatoire en-dehors de l’ARH, elle a été intégrée dans la tutelle de l’ARS, ce qui risque d’impliquer à terme la fin de l’unicité de l’APHP et celui du statut particulier des personnels de l’APHP. Afin de mieux faire accepter les décisions de regroupement, il est également décidé de passer dans le même temps de 39 établissements à seulement 11.
2) La situation dans le 14ème arrondissement
Le 14ème arrondissement est historiquement très médicalisé. Mais il subit comme ailleurs dans Paris la concentration des moyens et la disparition de pans entiers de l’offre de soins. La baisse des moyens de l’APHP se décline par site et notamment dans le 14ème par des regroupements / absorptions.
Pour l’APHP, l’hôpital Cochin et l’hôpital Saint-Vincent de Paul sont rassemblée dans un même groupe hospitalier et l’hôpital La Rochefoucauld s’occupe des soins de suite et de longue durée. Un hôpital public ne relève pas de l’APHP : il s’agit de l’hôpital Sainte-Anne. L’arrondissement dispose aussi de structures privées à but non lucratif de grande dimension telles que la Fondation Saint-Joseph ou l’Institut mutualiste Montsouris et d’hôpitaux plus petits comme Bellan.
En 2000, les activités de l’hôpital Broussais ont été transférées vers le nouvel hôpital européen Georges Pompidou. Le feu vert de ce transfert a été donné, rappelons-le, dès 1992 par Bernard Kouchner, alors ministre de la Santé. Ce transfert se voulait une opération blanche à moyens constants. Aujourd’hui, le site de Broussais est presque vide, la cardiologie qui restait ayant été transférée à l’hôpital Pompidou. Reste un service de longs séjours qui doit été transféré à Issy-les-Moulineaux. Une partie du terrain a été vendue à la Croix Rouge française pour l’installation de son siège.
Saint-Vincent de Paul était un hôpital spécialisé dans les soins pédiatriques et reconnu dans ce domaine comme un établissement de très haut niveau. La décision a été prise depuis plusieurs années de le fermer, ce qui n’est pas encore effectif. Les activités pédiatriques ont été transférées à Necker mais avec une baisse de l’offre de soins (de 500 postes à 150/180 postes). Le résultat est que seuls Necker et Debré continuent à assurer cette spécialité. Or, ce secteur n’intéresse pas tellement le privé car les soins sont à la fois lourds et plus longs et donc très onéreux. La maternité de Saint-Vincent de Paul doit être quant à elle transférée à Cochin vers octobre 2011. Deux bâtiments devaient y ouvrir dans cet objectif, mais la deuxième tanche est aujourd’hui remise en question. Ne subsiste que le bâtiment PR1, nommé déjà par le personnel de Cochin une future « usine à bébés » du fait du grand nombre de patients pour moins de personnels. Le transfert de la maternité à Cochin ne rencontre plus d’obstacles, mais au prix de 120 personnes laissées sur le carreau. A noter que sur Saint-Vincent de Paul les conditions de travail sont très dégradées, avec de nombreuses dépressions et arrêts maladies en série. En conclusion, il n’y aura plus aucune activité fin 2011. Mais pour l’heure il reste tout de même aujourd’hui 600 personnes sur le site.
Cochin est un hôpital généraliste. Avec la T2A, actuellement 56% du budget de cet hôpital doit correspondre à des activités « rentables », ce qui implique une baisse des prestations.
* Cochin est très réputé pour être le principal service d’urgences de Paris. Aujourd’hui au niveau de l’APHP, il y a une urgence de remettre en cause les urgences en général l’APHP arguant de sa faible rentabilité puisque des équipes sont mobilisées en
permanence pour une utilisation qui n’est par nature qu’occasionnelle. Cochin ne serait pas touché à l’heure actuel pour les urgences de jour mais les urgences de nuit sont remises en cause (« plan de figuration » de l’ARS).
* Les infirmières anesthésistes (IADE) sont en grève, de même qu’à Tenon, Béclère et Henri Mondor, Claude Evin président de l’ARS ayant décidé l’ouverture unique de 6 blocs opératoires pour l’Ile de France avec en particulier les blocs de nuit dans le collimateur. Ces infirmières subissent une faible reconnaissance pécuniaire dans le cadre d’une filière chirurgie qui est sinistrée par manque de personnel. Or avec la politique menée les effectifs vont encore baisser : la réduction de 10 infirmières et 5 aides soignantes pour la chirurgie digestive a amené à fermer cette aile faute de personnel.
* Mais on sait que la dégradation des activités d’urgences et de bloc opératoire a des conséquences ensuite sur les activités de médecine, de laboratoire d’analyse et de radiologie. C’est donc l’ensemble des activités qui sont attaquées. Déjà, le service des brûlés (bâtiment neuf) a été transféré à Saint-Louis avec moins d’offre de soins. De plus, la cuisine est mutualisée pour les trois sites de Broca, Hôtel Dieu et Cochin avec 20 postes en moins, de même que la logistique avec moins 10 postes d’ouvriers. Au niveau administratif, une personne couvre trois postes.
La Fondation Saint-Joseph est un ensemble hospitalier privé à but non lucratif (il dépend de l’évêché) à qui a été confié une mission de service public. Les conditions sont donc les mêmes qu’ailleurs et l’hôpital ne pratique pas les dépassements d’honoraires contrairement à l’APHP... Généraliste, son activité phare de très haut niveau est la chirurgie cardiaque. Ses activités se sont beaucoup développées ces dernières années avec la construction de nouveaux bâtiments. Mais sa situation financière est très difficile. Un plan social d’ici fin 2011 prévoit un réduction de 120 postes. Saint-Joseph est en passe de reprendre les activités de l’hôpital Saint-Michel qui est fermé et qui dépendait également de l’évêché.
En ce qui concerne l’hôpital Bellan, hôpital privé à but non lucratif, dépendant d’une fondation, les activités médicales et chirurgicales sont menacées de disparition pure et simple.
Suivant la direction et la fondation il ne s’agit que d’une reconversion d’activités avec transfert d’une partie des activités à Saint-Joseph et, à terme, construction d’un nouveau bâtiment. En 2009, le service de suites et de réadaptation (SSR) de neurologie spécialisée dans la sclérose en plaques a été fermé, de même que les urgences et le bloc opératoire (licenciement des médecins urgentistes). Les activités chirurgicales d’orthopédie et de proctologie ont été transférées avec une diminution du nombre de lits. Actuellement, les personnels subissent une forte dégradation des conditions de travail pour ceux qui sont restés avec des démissions en série. Un projet d’absorption de ses activités par Saint-Joseph est en cours de réflexion.
Sources :
Alain LHOSTIS, conseiller de Paris, ancien président de l’APHP
Maryse DANTIN, secrétaire de la CGT de l’hôpital Cochin
Bernard GIUSTI, secrétaire de la CGT de l’hôpital Saint-Vincent de Paul
Nathalie MARCHAND, responsable du PCF aux questions de santé
Nicolas LIEBAULT, PCF Paris 14